Par Stéphane Long – Publié le 25/01/2020
Le Quotidien du Médecin
Radié par l’Ordre, puis réintégré… Le Pr Henri Joyeux est toujours sous le coup d’une sanction ordinale pour ses propos controversés sur la vaccination. Le chirurgien cancérologue s’est de nouveau attiré les foudres des autorités en soutenant publiquement un essai clinique qui n’avait pas reçu l’aval de l’ANSM. En septembre 2019, l’agence interdisait ces travaux menés par Jean-Bernard Fourtillan à l’Abbaye de Sainte-Croix (Poitiers) sur près de 400 patients atteints des maladies d’Alzheimer et de Parkinson. Cette prise de position lui a valu un « carton jaune » des lecteurs du « Quotidien » lors d’un sondage en ligne publié en décembre 2019. Suite à la parution des résultats, le Pr Henri Joyeux a souhaité préciser son implication dans cet essai et répondre aux accusations à son encontre. Comment réagissez-vous aux critiques de vos confrères qui vous reprochent d’avoir défendu les essais menés à l’Abbaye de Sainte-Croix et interdits par l’ANSM ?
Ces critiques reflètent une inquiétude légitime, que je comprends et que je prends au sérieux. Certains médias ont beaucoup exagéré voire déformé les faits : il est donc normal que la confusion ait entraîné la suspicion chez mes confrères qui, comme moi, ont à cœur de défendre l’éthique de notre profession.
À titre d’exemple, l’abbaye de Sainte-Croix que vous mentionnez a régulièrement été mise en avant dans la presse, sans doute parce qu’un tel endroit est propice aux fantasmes et aux soupçons. Le lieu a pourtant été choisi par le Pr Fourtillan pour des raisons bêtement pratiques, en raison de sa capacité d’accueil et de son coût raisonnable… Autre précision qui me semble essentielle : l’ANSM n’a pas « interdit » mais « suspendu » ces tests (*).
Je trouve donc important de rassurer mes confrères, en levant les doutes et en apportant les précisions nécessaires.
(*) Note de la rédaction : la décision de l’ANSM, rendue publique le 19 septembre 2019, mentionne non pas une suspension mais une interdiction visant à cesser l’administration du médicament expérimental, toute nouvelle inclusion de personnes dans la recherche, le suivi éventuel des personnes incluses, la collecte de données…
Quel a été votre rôle opérationnel dans ces essais ?
Absolument aucun. C’est la raison pour laquelle la décision de l’ANSM suspendant les tests ne mentionne jamais mon nom… L’ANSM a pourtant affirmé, dans un premier temps, que j’avais participé à la création du fonds Josefa, alors que ce n’est pas le cas. Elle aurait pu éviter cette erreur en me contactant, pour vérification, avant de me mettre en cause publiquement…
J’ai en revanche aidé le professeur Fourtillan à faire connaître sa découverte du système veille-sommeil et les patchs de valentonine et 6 méthoxy-harmalan qu’il a mis au point. Cette découverte doit intéresser tout scientifique que la santé des malades préoccupe. C’est en scientifique, médecin depuis près de cinquante ans, que je m’y suis intéressé, que j’ai compris l’importance de ses applications pour les patients et que j’ai accepté d’utiliser un peu de ma notoriété pour la faire connaître. J’ai donc seulement joué un rôle de médiatisation, volontairement et librement.
Expliquer cette importante découverte à mes consœurs et confrères me semble nécessaire. Le professeur Fourtillan, ingénieur, professeur de chimie thérapeutique, toxico-cinéticien et pharmacien, l’a présentée à l’Académie de pharmacie en décembre 2015. J’étais présent et j’ai compris l’importance de cette découverte, et la nécessité de la faire connaître.
L’ANSM affirme que les patchs administrés aux 400 patients (atteints de maladie d’Alzheimer ou de Parkinson) sont considérés comme des médicaments sur le plan réglementaire. Elle évoque par ailleurs des documents transmis aux participants mentionnant explicitement un « essai clinique ». Dans ces conditions, comment contester le caractère illégal de ces essais ?
Le processus de mise au point d’un médicament est complexe, et certaines distinctions sémantiques sont mal connues des médecins eux-mêmes : par souci de simplicité, les documents remis aux malades par le Pr Fourtillan mentionnaient un « essai clinique », de manière en effet erronée. Il s’agissait précisément d’une phase de concept, qui ne nécessite pas d’autorisation. Ce n’est pas parce qu’on écrit « essai clinique » que le test en devient juridiquement un. Quant à l’ANSM, elle dit que ces tests étaient illégaux. C’est son point de vue. Mais il arrive régulièrement que ses prises de position soient censurées par les tribunaux.
Si l’on veut être exact, il faut préciser que le terme « essai clinique » est lui-même assez flou, même si la presse l’utilise souvent. On parle en réalité d’« étude clinique de phase I ». Et cette étude, contrairement à la phase de concept qui la précède, nécessite une déclaration auprès des autorités de santé, qui doivent ensuite l’autoriser. Ce n’était pas le cas ici. Au contraire, une demande d’autorisation était même envisagée pour la suite, lors du passage à la véritable étude clinique de phase I.
Selon des témoignages, les participants à ces essais avaient interdiction d’en parler aux médecins qui les suivaient. Pour quelle raison ?
Je n’ai jamais eu connaissance de ces témoignages. Pour ma part, je n’aurais jamais émis une telle recommandation à qui que ce soit. Le lien de confiance entre un patient et son médecin est extrêmement fort : j’ai du mal à imaginer que l’on puisse interdire à un patient de parler à son médecin.
Avez-vous poursuivi vos expérimentations malgré l’interdiction de l’ANSM ? Quelles sont vos intentions sur ce plan ?
Il m’aurait été impossible de poursuivre une quelconque expérimentation, pour la simple et bonne raison que je n’ai participé à aucune expérimentation…
Je déplore que l’ANSM ait suspendu ces tests, mais sa décision doit bien évidemment être respectée. Cela ne m’empêche pas d’espérer qu’elle lève cette suspension, et que les tests puissent reprendre, en toute transparence. Car les malades, qu’ils soient atteints de Parkinson, d’Alzheimer ou d’autres maladies neurodégénératives, ou de troubles du sommeil, reconnaissent unanimement les effets extrêmement positifs de ces patchs. Puisqu’ils permettent d’alléger la souffrance et de redonner espoir à des gens qui se savent condamnés, pourquoi l’ANSM se priverait-elle d’écouter la parole des patients ?
L’Ordre a porté plainte pour charlatanisme contre vous et plusieurs médecins impliqués dans cette affaire. N’est-ce pas un désaveu supplémentaire ?
Je crois humblement que le seul désaveu qu’un médecin puisse essuyer est celui de ses pairs : or la plupart de mes confrères (je parle ici de ceux qui exercent au quotidien, au contact des malades, sur le terrain, dans des territoires parfois isolés) savent la détresse des patients atteints de ces maladies. Nombre d’entre eux, parce qu’ils connaissent mon sérieux, ma rigueur et mon parcours, me font confiance et me témoignent leur soutien. Ils savent que la santé des malades a toujours été mon unique préoccupation, l’obsession de ma vie.
Vous risquez également la radiation (décision annulée par la chambre disciplinaire nationale mais invalidée par le Conseil d’État) pour votre soutien à plusieurs pétitions remettant en cause la vaccination. Où en est cette affaire ? Craigniez-vous une nouvelle condamnation de l’Ordre ?
Je tiens à le dire une bonne fois pour toutes : je suis pour la vaccination. Je ne suis pas anti-vaccins ! En revanche, je considère que la présence d’aluminium dans certains vaccins est un réel danger. Ces vaccins-là, même si les laboratoires qui les produisent et en tirent profit n’aiment pas l’entendre, sont nocifs. Les autorités de santé imposent la vaccination, et elles ont raison. Mais alors pourquoi n’imposeraient-elles pas aussi la composition des vaccins, pour s’assurer qu’ils ne contiennent aucun adjuvant toxique ? Ma position est finalement bien plus « pro-vaccination » que celle de mes détracteurs, puisque j’appelle l’État à reprendre la main sur cet enjeu crucial, pour ne pas laisser les laboratoires jouer avec la santé de millions de personnes…
Je ne vois pas comment la chambre disciplinaire nationale pourrait me radier après avoir jugé que je n’avais commis aucune faute déontologique. Ces juges sont indépendants et ne sont pas soumis au Conseil d’État à ma connaissance.
Quant à l’Ordre, je crois important de distinguer les instances départementales, pour qui j’ai beaucoup de respect, du Conseil National, de plus en plus critiqué, mais que la profession finance sans bien savoir à quoi cela sert… Le Conseil National, en difficulté depuis un certain temps, a visiblement décidé de faire de moi son instrument de diversion, en me caricaturant en « anti-vaccin ». Il faut dire qu’il en a bien besoin. Encore récemment, la parution de ce rapport accablant de la Cour des Comptes a choqué toute la profession : bureaux avec piscine, dépenses somptuaires, bénévoles rémunérés… Cette déconnexion avec la réalité de notre métier est inquiétante, et devrait davantage préoccuper le Conseil National que petit mon cas personnel.
Propos recueillis par mail par Stéphane Long