Lettre du Pr Henri Joyeux – Le 23 décembre 2014
Noël, c’est la fête de la douceur pour tous les enfants du monde. La naissance d’un bébé qui va révolutionner le monde. Plus de 2000 ans ne suffisent pas à comprendre ses messages. Il commence dans une humble crèche, entouré de sa mère qui vient de le donner au monde et de son père, responsable et courageux protecteur.
Réchauffé par le souffle d’un bœuf et d’un âne, les premiers à reconnaître l’enfant sont de pauvres bergers. Une étoile bienveillante dans la nuit noire les guide vers Lui.
Noël, c’est la fête du dépouillement et pas de l’abondance. Comme tous les bébés du monde, c’est d’affection dont il a besoin. Elle ne se donne qu’en couvrant sa tendre peau de tendresse, caresses et doux baisers.
Pour cette grande fête des croyants et des incroyants, j’ai décidé de faire parler la peau, celle qui nous enveloppe de la tête aux pieds. Toute notre vie, nous avons besoin d’être touchés et de toucher nous même.
Les enfants adorent les câlins de leurs parents, et les personnes en fin de vie en deviennent amoureuses.
Votre peau reçoit et donne. Elle est faite pour la douceur. Qui pourrait imaginer un monde où l’on ne se toucherait pas, où l’on ne s’embrasserait pas ? Même quand on ne se connaît pas, on s’étreint après une grande frayeur.
En même temps, notre peau est le premier organe atteint quand nous sommes blessés. Un hématome la distend et elle va passer par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel pour retrouver sa couleur originelle.
Votre peau s’ouvre plus vite qu’elle ne se referme. Elle demande alors des soins d’une attention extrême. Nos infirmières sont admirables car elles ont les mains plus douces que les nôtres. Nous, chirurgiens, intervenons sous anesthésie locale, régionale ou générale !
Votre peau signe aussi ce qui se passe à l’intérieur de vous-même. Une éruption d’une maladie enfantine forge les défenses immunitaires. Un zona sur le thorax traduit souvent une anomalie profonde et exige une radiographie des poumons ou un scanner. Une peau grasse et à problèmes signale de mauvaises habitudes alimentaires, trop de produits laitiers [1], pas assez de fruits frais de saison et de proximité… Une peau écailleuse ou décolorée par endroit souffre et s’améliore pendant les vacances car les stress s’amenuisent. Le rouge sur le visage peut traduire une consommation excessive d’alcool fort, ou le début d’un lupus érythémateux qui signe une maladie auto-immune.
Votre peau est capable – par les glandes sudoripares – d’éliminer les pesticides que vous stockez sans le savoir ni le vouloir dans le petit pannicule adipeux qui la sépare des muscles et des os.
Votre peau se refroidit ou se réchauffe, change de couleur sur le visage selon les stress qui atteignent la profondeur de votre être. Quand une femme se déshabille en consultation, le médecin que je suis fait comme s’il ne voyait pas son érythème pudique (rougeur) qui du cou descend sur sa poitrine. Il respecte la pudeur.
Votre peau est très délicate, quel que soit votre âge. En regardant le dos de votre main, je sais à peu près votre âge. En la pinçant délicatement, je vérifie votre état d’hydratation ou de déshydratation si vous êtes à un âge avancé.
Bref, votre peau me parle, elle me dit tant de choses !
Si vous pensez qu’elle est le fait du hasard et de la nécessité, vous risquez de croire que votre peau est là et qu’elle n’a rien à dire. Grossière erreur, nul doute qu’elle a été pensée, mûrement réfléchie. Elle est faite pour votre bonheur.
Rien de mieux pour décoder ses mystères que de la laisser s’exprimer.
Ah, si vous me connaissiez ! Combien vous m’apprécieriez davantage, vous me feriez moins souffrir !
Mon lieu de résidence : de la tête aux pieds
J’entoure tout votre corps. En terme de surface, je mesure 1,7 à 1,8 mètre carré pour une taille de 1m70 selon l’individu que j’enveloppe. Si vous m’évaluez en poids, j’atteins 4 kg, et suis le plus lourd de tous les organes mous. Evidemment, je pèse davantage si vous ajoutez la petite couche de gras que vous nommez « pannicule adipeux » et tout ce qui m’est attaché, les muqueuses, les ongles, les cheveux et les poils.
Je ne suis pas très épaisse, allant de 0,5 mm au niveau des paupières, du mamelon, du creux de l’oreille, à 2,5 mm au niveau des membres, du thorax, de la paume de la main, et de 4 à 5 mm sous la plante des pieds. Ma température varie entre 32 et 36°C, les extrémités des membres restant les plus fraîches. Partout je suis imperméable, même dans l’eau.
Je suis suffisamment élastique pour que les chirurgiens dits « plasticiens » m’exploitent en réalisant des lambeaux pour reconstruire des zones du corps qui ne vont pas bien : en chirurgie mammaire, ou pour recouvrir des zones brûlées profondément. Même la peau du visage peut être remplacée.
De quoi suis-je faite ? Les couches de cellules qui me constituent font que je suis très organisée
Je suis délicate déjà par ma composition : de l’eau pour 70 % de mon poids, de 27 % de protéines, 2 % de lipides et près de 1 % de minéraux et oligo-éléments.
Pour bien me faire comprendre, surtout de ceux qui sont avides de détails, je suis obligée de me présenter en différentes couches de la superficie à la profondeur : l’épiderme, le derme et l’hypoderme.
– L’épiderme d’abord est fait de plusieurs couches : en superficie, la couche cornée de protection, « sentinelles immunologiques », faite de 4 à 8 couches de cellules sous forme de fines lamelles sans noyau et de grande taille. Ces cellules dites « kératinocytes ou cornéocytes » desquament, se poussiérisent régulièrement, lors de frottements. C’est donc une très fine pellicule de peau remplacée par les cellules de la profondeur. Juste en dessous, la couche granuleuse est faite de 1 à 5 couches de cellules aplaties de grande taille.
C’est la couche dite « Malpighienne » [2] constituée de 5 à 6 couches de cellules polyédriques qui s’aplatissent au fur et à mesure de leur ascension. Enfin, en profondeur, c’est la couche basale. Elle est formée de cellules en forme de petits cubes, séparés par des mélanocytes [3], cellules qui donnent ce qu’on appelle « les taches de rousseur ». Cette couche se régénère en permanence. Ses cellules vivent 3 à 4 semaines, en général 28 jours.
L’épiderme est traversé par les structures sous-jacentes d’origine dermique, les canaux excréteurs des glandes sudoripares ou sébacées et les follicules pileux.
– Le derme est irrigué par le sang qui nourrit la peau (jusqu’à 10 % de la masse sanguine totale) et contient les très fins vaisseaux lymphatiques qui transportent les cellules du système immunitaire. Son épaisseur ne dépasse par le millimètre. Il est fait de grosses molécules protéiques, constituant des fibres dites de « collagène » et d’« élastine » qui me donnent ma teneur et mon élasticité. Le derme est 4 fois plus épais que l’épiderme, il peut atteindre près de 10 mm dans votre dos.
Les protéines captent l’eau dans le derme à la manière d’une éponge et ainsi sont un réservoir d’hydratation. Cela se voit bien chez les personnes âgées qui ne boivent jamais assez et dont la peau est sèche, trop fine quand on la pince.
Cette zone de la peau contient des cellules du système immunitaire de protection issues de la moelle osseuse, parmi lesquelles de nombreux lymphocytes, dont certaines sont nommées « cellules de Langherans », et qui contrôlent la présence d’antigènes et sont capables de déplacement chez les personnes allergiques.
(voir ma lettre : « L’Immunité, un système à bien connaître, partout dans notre corps »).
C’est cette partie de la peau qui joue un rôle primordial dans la régulation thermique (véritable thermostat) et dans la cicatrisation quand la peau doit régénérer après une plaie. C’est elle aussi qui élimine les pesticides par la sueur et autres produits de dégradation.
– L’hypoderme est évidemment la couche profonde de la peau. Il reçoit beaucoup de vaisseaux et contient du tissu graisseux en réserve. Il est l’interface entre le derme et les couvertures des muscles que sont les aponévroses. On parle de « pannicules adipeux » minces au niveau du front, épais au niveau des fesses et du bas ventre où il peut représenter 15 à 30 % du poids du corps en cas d’obésité.
Le gras en trop, c’est du sucre que vous stockez, vous ne pouvez l’éliminer dans vos urines ou ailleurs. Je vous rappelle que 1 g de sucre c’est 4 calories, et 1 g de graisse 9 calories. Avec quasiment 2 g de sucres vous faites 1 g de gras que vous stockez sous mon épiderme et vous me rendez disgracieuse.
Ces pannicules ne sont que des amas de cellules graisseuses nommées adipocytes, spécialisées pour stocker le gras.
L’hypoderme est donc présent sur la quasi-totalité du corps, à l’exception des paupières, des oreilles, du pénis et du scrotum (bourses de l’homme qui enveloppent les testicules).
Quand on parle de « cellulite », il ne s’agit pas de tissu gras mais d’inflammation par infiltration de liquide dans les cellules adipeuses, d’où la pression sur les fibres de collagènes. Je prends alors un aspect « peau d’orange ».
Faites du sport sérieusement, bougez vous, consommez moins de produits sucrés et de gras et la peau d’orange redeviendra votre rêve de peau de bébé.
Vous l’avez compris, je suis sensible, très sensible même. Je possède des annexes nombreuses et essentielles. Des glandes sudoripares, des poils et leurs follicules, et aux extrémités, des ongles. Tous me sont très nécessaires pour vous protéger.
Je suis l’organe du sens « primordial », équipé de récepteurs sensoriels et de nerfs largement répartis sur tout votre corps, selon vos besoins qui évoluent avec l’âge.
Parmi les 5 sens, je suis le seul à être installé sur toute la surface de votre corps.
Le philosophe grec Aristote considérait le toucher comme le sens primordial. Il serait un sens plus riche que les autres, comme si, dans le toucher, on pouvait discerner plus de différences, de subtilités que dans les autres sens. C’est certainement vrai au début de la vie. Ensuite les autres sens prennent le dessus, car eux aussi sont source de plaisir. Il est rare que vous utilisiez au mieux tout ce que je suis capable de vous procurer. C’est quand un autre sens vous manque, en particulier la vision, que vous compensez avec moi.
En effet, je suis capable de capter le monde environnant au-delà de ce que vous pouvez imaginer.
Mes récepteurs captent et sont spécialisés. Ils sont répartis très astucieusement sur tout le corps. Déjà, dans le ventre de ma maman, ma sensibilité au toucher est présente, mais mes récepteurs ne sont pas encore connectés au cerveau. Dès le deuxième mois de ma vie intra-utérine, les récepteurs sont fortement présents, surtout autour de la bouche, qui m’aideront à téter les mamelons de ma maman.
– Quand j’appartiens à un bébé, les récepteurs ne veulent connaître que la douceur de ceux qui m’ont donné la vie ou m’ont adopté, ma maman et mon papa. Je suis avide de leur tendresse, tellement différente. Je perçois déjà la différence entre la main rugueuse de papa et la douceur délicate de celle de maman. Quand j’ai faim, je sais comme il faut faire pour recevoir le lait de maman. Mes papilles ne sont pas encore sur ma langue mais sur mes lèvres. J’adore tirer sur le mamelon de ma maman. J’aime son odeur. Quand je serre mes lèvres et que je tire légèrement sur le mamelon de maman, le lait vient en jet dans mon palais des saveurs. J’adore !
– En grandissant je vais prendre de la surface. Je remarque que mes perceptions ne sont pas les mêmes sur tout le corps que j’enveloppe. Mes mains, et surtout mes doigts, sont très sensibles, bien plus que mes pieds car je ne marche pas encore. Je sens le sol avec mes fesses. Le devant de mon corps est bien plus sensible que mon dos. J’aime qu’on me caresse la tête, cela me donne des frissons de bonheur.
– À l’adolescence, et jusqu’à la vieillesse, de nombreuses sensations différentes apparaissent. Il y a des coins de mon corps intime que je découvre. Ils réagissent drôlement. Quand je caresse le bout de mon nez, je n’ai pas les mêmes sensations et réactions que si je caresse les zones intimes de mon corps. Vous parlez entre vous de zones érotiques qui vous donnent du plaisir. Moi, votre peau, je suis bien placée pour comprendre que vous accordez une grande importance à ces zones du corps.
Je suis douce et lisse, plus chez les femmes que chez les hommes
Je fabrique grâce à mes glandes sébacées annexées aux poils – présentes dans le derme – un « sébum » (du mot latin « suif ») destiné à lubrifier ma surface. Celui-ci empêche le dessèchement et a un rôle bactéricide. Il maintient donc mon hydratation, me protège, moi votre peau, et en particulier au niveau du cuir chevelu entretient la souplesse de vos cheveux.
Moi, votre peau, je livre aux amoureux un petit secret. N’ayez pas peur de le faire passer à celles et ceux que vous aimez.
Quand homme et femme vous vous rejoignez dans l’intimité, la femme doit guider la main de celui qu’elle aime sur son corps à elle. Il sera souvent étonné, découvrira l’inattendu, ce qu’elle aime vraiment et combien ces douces attentions sont sources de repos et de joie profonde pour elle d’abord. Elles peuvent conduire tous les deux à plus et à une meilleure intimité. De même, ensuite, l’homme guidera la main de celle qu’il aime sur son corps masculin. En général, elle s’en doute, n’est pas étonnée… Ce sont ces échanges amoureux qui reposent un couple et l’aident à se maintenir dans la confiance, l’amour et l’humour.
Vous voyez bien que moi, votre peau, j’ai un rôle plus important que vous ne l’imaginiez pour la cohésion conjugale et familiale.
J’ai remarqué que plus vous êtes angoissé plus vous avez besoin de câliner ces parts intimes de vous-même ou de demander à une autre personne qui vous plaît de le faire.
J’ai remarqué aussi que vous aimez bien être peau contre peau, vous toucher, vous câliner, vous peloucher dans l’intimité de l’amour. En vous unissant « in vivo » vous êtes capables ensemble de concevoir une nouvelle vie, une nouvelle peau, celle de l’embryon, du fœtus et du futur bébé. C’est mon bonheur de vous donner du bonheur !
– À un âge avancé, moi la peau, j’ai besoin encore et encore d’être touchée délicatement plus que jamais, peut-être autant que lorsque je sortais du ventre de ma mère. Je sais bien que c’est la fin de ma vie, mais toute vieille peau que je suis devenue, j’ai toujours besoin d’amour.
Les récepteurs sont des corpuscules différenciés : mécanorécepteurs, thermorécepteurs et nocirécepteurs
Mes récepteurs sont tellement nombreux, des milliards, que personne ne les a jamais comptés. On sait par exemple que votre index seulement au niveau de sa pulpe possède 2500 récepteurs par cm2.
C’est pour cela que celui qui me fait parler a toujours dit à ses collaborateurs que chaque index en chirurgie ouverte est aussi important que l’œil, c’est l’instrument le plus indispensable du chirurgien. C’est vrai aussi pour le médecin qui m’examine avec délicatesse pour percevoir aspérités, rugosités, palpe le ventre, cherche des ganglions au niveau du cou, des aisselles ou de part et d’autre du sexe.
À partir du moment où le microscope [4] a été découvert, tous ceux qui ont révélé un de ces récepteurs lui ont attaché leur nom. D’où un nombre incroyable de noms différents dont certains ont eu le prix Nobel. Les Italiens et les Allemands sont en tête en ce domaine.
Les mécanorécepteurs sont à adaptation rapide ou lente
Vous aimez beaucoup ceux de la volupté et, quand c’est nécessaire, vous savez vous servir de ceux du bout des doigts pour lire quand vous n’avez pas la chance de voir.
Ceux qui s’adaptent rapidement sont dits de Pacini, de Krause et de Meissner. Quelle que soit la peau que je suis, sachez que je porte 5 fois plus de récepteurs à adaptation rapide (le tact) que de récepteurs à adaptation lente (la pression).
Les corpuscules de Pacini [5] sont profondément situés dans la peau. Ils décèlent les vibrations, mesurent 1 à 2 mm, sont encapsulés en bulbe d’oignon, surtout situés dans la peau épaisse de la paume des mains, de la plante des pieds et de la peau qui possède des poils.
Les corpuscules de Krause [6] captent les variations de température, en particulier le froid. Ils jouent aussi un rôle essentiel dans le plaisir puisqu’ils sont présents dans la bouche, la muqueuse nasale, les yeux et sur le gland du pénis, comme sur le petit gland du clitoris. Pour cette raison on les nomme corpuscules érotiques ou de la volupté.
Les corpuscules de Meissner [7] sont dans la partie supérieure du derme, très sensibles au toucher léger, d’où leur nom de corpuscules tactiles. Localisés dans les zones à haute sensibilité comme les doigts, la plante des pieds, les lèvres.
Les corpuscules de Merkel sont superficiels, proches des poils à leur racine ; d’adaptation lente, ils répondent à de faibles pressions localisées, et peuvent distinguer deux points en relief proches. Ils sont évidemment utilisés et très actifs chez les aveugles pour l’écriture braille [8].
Les corpuscules de Dogiel [9] ressemblent aux corpuscules de Meissner et siègent électivement au niveau des organes génitaux. Volupté, volupté, que du bonheur !
Les corpuscules de Golgi [10] présents dans l’hypoderme et entre articulations et tendons renseignent sur la sensibilité profonde fine, et sur la contraction de tel ou tel muscle.
Les corpuscules de Ruffini [11] se trouvent au niveau de la peau épaisse avec poils, et de la capsule articulaire. Ils renseignent sur le glissement et la chaleur.
- Les thermorécepteurs ne réceptionnent que le chaud et le froid. Ils sont répartis sur la peau mais moins nombreux que les précédents.
- Les nocicepteurs constituent le système d’alarme. Ils perçoivent le pincement, les douleurs à la piqûre ou les températures très hautes (plus de 43°C) ou basses (inférieures à 20°C).
Les nerfs transmettent vers le cerveau ce que je reçois au niveau des récepteurs
– C’est vers le 6e-7e mois de la vie intra-utérine que les voies nerveuses me relient, moi la peau, à la moelle épinière et, de là, au cerveau. Si je nais prématurément, je suis tout aussi prête à recevoir les câlins de maman et de papa.
Les nerfs qui me parcourent sont les terminaisons des neurones qui partent de la moelle épinière et remontent jusqu’au cerveau. Car c’est le cerveau qui dit le toucher, capable de différencier le chaud du froid, la douceur de la douleur et toutes leurs nuances.
Comme en corpuscules sensitifs et sensoriels, je suis aussi riche en nerfs.
– Je possède tous les nerfs sensitifs et sensoriels qui me procurent les sensations et en même temps je suis capable de réagir grâce aux nerfs dits « végétatifs » destinés à dilater ou contracter mes petits vaisseaux.
Ils servent aussi à actionner les tout petits muscles lisses érecteurs ou horripilateurs des poils, qui se tendent par diminution du débit sanguin, quand il fait très froid ou à l’inverse quand je suis envahi de frissons dûs à une forte fièvre, ou seulement envahi d’émotions.
Les fibres nerveuses qui me traversent sont protégées ou non par de la myéline, gaine de substance graisseuse qui isole et protège la fibre nerveuse comme la gaine jaune, rouge ou bleue des fils électriques. La gaine de myéline est nécessaire pour augmenter la vitesse de propagation de l’influx nerveux.
J’ai besoin d’une saine alimentation pour être comme vous le souhaitez
– La tyrosine vous est nécessaire pour fabriquer le pigment « mélanine ».
J’ai donc besoin en particulier que vous m’apportiez par vos aliments et nutriments [12] cet acide aminé qu’est la tyrosine [13]. La mélanine est présente en d’autant plus grande quantité que la peau est foncée. L’exposition au soleil ou aux rayons ultraviolets stimule l’activité des mélanocytes dont la production accrue de pigments engendre le bronzage (mécanisme de défense de l’organisme).
– Le carotène ou prévitamine A ou bétacarotène est le pigment indispensable à la croissance des cellules qui me constituent et préserve la peau des agressions du soleil et des risques infectieux. Cette prévitamine A prévient aussi mon propre vieillissement. Elle est nécessaire à la cicatrisation et réduit les phénomènes inflammatoires locaux grâce à ses propriétés antioxydantes. Si je n’en ai pas assez je me dessèche, je deviens rugueuse, je souffre.
Mes quatre couleurs dominantes et un très grand nombre de nuances
– Quelle que soit votre couleur, rouge, jaune, noire ou blanche, mon fonctionnement est identique.
Curieusement, les femmes cherchent souvent à modifier ma couleur. Les blanches veulent bronzer ; les noires ou les jaunes me veulent plus claire. Quand chacun sera-t-il content de ce que je suis ?
À l’oméga de l’humanité, la peau du plus grand nombre sera noire, car génétiquement le noir domine sur les autres couleurs.
Mais je préfère vous avertir : ne soyez pas pressés mesdames et messieurs, il faut 10 000 à 15 000 ans pour changer ma couleur au niveau d’une population, du plus clair au plus foncé.
– À propos des tatouages qui intéressent davantage ethnologues et sociologues que les familles, ils représentent selon les spécialistes une « expression tribale exotique ». C’est le derme qui reçoit l’encre des tatouages [14]. Or j’aimerais que vous compreniez que je ne suis pas « faite » pour recevoir dans mon épaisseur des corps étrangers qui ne peuvent pas disparaître. Les pigments sont encrés et ancrés dans mon derme pour obtenir un dessin permanent et ineffaçable.
Au début, je cherche à m’en débarrasser par des démangeaisons plus ou moins supportables. Ce type de décoration très tendance – remplaçant des tags sur les murs – ne s’arrêtera pas si on n’explique pas aux jeunes eux-mêmes les dangers réels d’attraper une infection à staphylocoque ou à champignons, des maladies virales telles d’énormes verrues, comme nous avons pu l’observer chez un patient qui avait voulu se faire tatouer les lobes des oreilles, une hépatite C et même le virus du SIDA.
Les dangers sont tels qu’ils imposent des recherches virales 3 mois après le tatouage ! Et si une lésion apparaît et ne cicatrise pas sur un tatouage, cela peut signer l’apparition d’un cancer.
Ayez donc pitié de moi. Je ne peux vous protéger si vous m’agressez ! Je n’ai jamais demandé à être tatouée. Il y a bien d’autres moyens de se rebeller ou de s’intégrer à un groupe exotique !
À quoi est-ce que je sers ?
Je suis impliquée grâce à toutes les cellules qui me constituent dans de nombreuses actions :
– vos empreintes digitales, présentes dès le sixième mois de la vie intra-utérine, dues aux petites crêtes des faces palmaires des mains nommées dermatoglyphes (du grec derma, « peau », et gluphê, « gravure »). Elles sont aussi présentes sur la plante des pieds et de chaque orteil. La dermatoglyphie [15] est l’étude scientifique de ces empreintes.
– votre régulation thermique, car la température du corps doit rester stable, constante, entre 36,1°C et 37,8°C quand vous êtes en bonne santé. C’est l’hypothalamus, un des noyaux au centre du cerveau, qui possède le centre thermorégulateur, recevant les informations en particulier des récepteurs que je possède.
Quand il fait trop chaud, l’hypothalamus provoque la transpiration pour abaisser la température de votre corps par évaporation de la sueur. Inversement, quand il fait trop froid l’hypothalamus stimule la thermogenèse. Les vaisseaux qui parcourent mon derme se rétrécissent aux extrémités quand le froid augmente.
La chair de poule, par tension des muscles érecteurs des poils, crée de la thermogenèse, mais elle est peu efficace du fait de ma faible pilosité. La température varie dans le cycle jour-nuit, mais aussi chez la femme selon la phase de son cycle menstruel : en dessous de 37°C avant l’ovulation, elle augmente de plusieurs dixièmes après l’ovulation, signant qu’elle a bien eu lieu. Les technologies modernes se servent de moi pour détecter l’ovulation quand vous voulez avoir un bébé ou l’éviter.
– votre défense immunitaire, quand je suis blessée ou quand un micro-organisme menace, les lymphocytes interviennent pour protéger ou lutter contre une éventuelle infection. Je possède des acides gras et des protéines antimicrobiennes, barrière cutanée chimique, dont la psoriasine directement bactéricide, en particulier anticolibacille. Cela ne veut pas dire que vous pouvez vous passer de vous laver les mains après être allé aux toilettes !
Grâce au soleil, je fabrique de la vitamine D, dite « anti-rachitisme »
– Ce sont les rayonnements UVB apportés par le soleil qui me permettent de fabriquer cette formidable Vitamine nommée D. Elle est bien meilleure que celle des laboratoires pharmaceutiques que vous vend votre pharmacien.
Dès que le soleil est là, je me régale à fabriquer de la vitamine D3 (cholécalciférol), substance liposoluble (qui se dissout dans les graisses) synthétisée dans le derme à partir d’un dérivé du cholestérol sous l’action des rayonnements ultraviolets B de la lumière.
Vous en avez besoin pour que le calcium de vos aliments passe la barrière intestinale et soit distribué à tout le système osseux selon ses besoins de croissance et de l’état adulte. Des mois de novembre à mars vous vivez sur vos réserves. Trente minutes d’exposition quotidienne au soleil me permettent de synthétiser près de 90 % des apports journaliers recommandés en vitamine D.
La vitamine D permet l’absorption intestinale du calcium et du phosphore, renforce sa fixation sur les os et les dents, contribue à leur formation, à la croissance et au renouvellement toute la vie durant, et plus spécifiquement pendant la période de grossesse et d’allaitement. Elle joue donc un rôle essentiel pour maintenir l’équilibre phosphocalcique, mais aussi le fonctionnement des muscles, et indirectement dans la coagulation du sang qui a besoin de l’ion calcium lui-même.
Vous vivez tellement à l’intérieur que vous êtes souvent carencés en Vitamine D. Les experts se disputent sur ce sujet car, évidemment, les laboratoires souhaitent vous apporter moyennant finances la vitamine qui vous manque.
Vous comprenez aussi pourquoi la burqa ou niqab, le voile intégral d’origine afghane porté par les femmes principalement en Afghanistan, au Pakistan et en Inde, est totalement contre-indiqué. C’est un contresens de santé publique !
– L’Inuit Paradox dans les froids canadiens.
Les Inuits du Canada et du Groenland et les Yupiks de Sibérie et d’Alaska, très vêtus et habitants des contrées très froides, vivent là où l’exposition aux UVB est faible. Chez eux, moi la peau, je ne suis pas claire mais cuivrée. C’est la consommation régulière des animaux marins, graisse de phoque ou de baleine riche en vitamine D qui évite les carences.
J’élimine la sueur grâce à mes glandes sudorales ou sudoripares et je fabrique des phéromones
Deux sortes de glandes sont situées dans l’épaisseur du derme. Elles fabriquent surtout la sueur en s’ouvrant sur l’extérieur grâce aux pores sudoripares. La transpiration est nécessaire à votre santé. Faire du sport deux fois par semaine au moins 30 minutes chaque fois, voilà le meilleur moyen pour moi d’évacuer les pesticides de l’environnement ou de l’alimentation que vous me faites consommer sans vous en rendre compte.
- Les glandes sudoripares qui fabriquent la sueur Ce sont les plus nombreuses, de 3 à 5 millions, avec une densité moyenne de 200 glandes par cm2. Elles sont présentes sur presque tout le corps mais surtout sur la paume des mains, sur la plante des pieds où elles atteignent une densité maximale de 600 glandes/cm2 et aussi sur le front.Elles sont cependant absentes au niveau des zones génitales de l’homme comme de la femme.Elles jouent un rôle important dans la thermorégulation et ont aussi un rôle de protection immunologique. La sueur est composée à 99 % d’eau et de minéraux, en particulier le chlorure de sodium qui donne à la sueur une légère saveur salée, et en plus un peu de potassium, de calcium et de magnésium. Elle possède aussi un peu d’acides lactique, propionique, butyrique et d’urée proche de celle que nous éliminons dans les urines.Son pH est donc acide entre 3,8 et 6,5 ce qui freine la reproduction de certaines bactéries.
- Les glandes sudoripares qui fabriquent des phéromonesCes glandes sont surtout sous les aisselles et autour des zones intimes de l’érotisme, génitalité et mamelons. Les phéromones qu’elles fabriquent sont des molécules protéolipidiques que les bactéries que je possède transforment en « odeur de transpiration ». Ces glandes ne fonctionnent qu’à partir de la puberté sous l’influence des hormones de la puberté.Chez les animaux, les sécrétions de ces glandes permettent les reconnaissances mutuelles par leur odorat très développé.
Mes souffrances, je vous les livre facilement : observez moi et n’hésitez pas à voir votre dermato.
Evidemment, les dermatologues me connaissent parfaitement. Ils n’arrêtent pas de voir des érythèmes, de l’acné, de l’herpès, des eczémas, du psoriasis, des vitiligos, des allergies, des zonas, des brûlures et gelures, des dermites et éruptions de tous ordres, des escarres…
Votre rêve est que je sois douce comme quand vous étiez bébé ! Vous avez compris que mes qualités dépendent à la fois de votre alimentation mais aussi de votre état psychologique et affectif.
Plus je vis dans un organisme stressé, angoissé, malade…, plus j’ai besoin de recevoir de la douceur en paroles et en actes. Que ce soit la douceur des enfants ou des petits-enfants, celle d’un mari-compagnon ou d’une épouse-compagne… Que vos mains effleurent délicatement le corps de l’autre sur toute ma surface, voilà mon dernier secret !
J’allais oublier de vous dire que j’ai aussi une très bonne mémoire
Je me permets de vous rappeler tout ce que l’on dit en parlant de moi. Une véritable exploitation : « je l’ai dans la peau », « j’aurai sa peau », « à fleur de peau », « une peau de chagrin », « la peau sur les os », « vieille peau », « peau de vache », « se mettre dans la peau de l’autre », « bien ou mal dans sa peau », « vendre sa peau », « avoir la peau dure », « faire peau neuve », « risquer sa peau », « vendre chèrement sa peau », « glisser une peau de banane », « sauver sa peau »…
Qu’est-ce que tout cela signifie ? Mon importance évidemment !
J’ajouterais, pour le vivre tous les jours, ce que je considère comme d’une grande importance : « ma mémoire, la mémoire de votre peau ».
Proust, dans « À la recherche du temps perdu », évoque un microsouvenir de jeunesse, la Madeleine qui déclenche l’émotion. Il active même sans le vouloir sa mémoire affective.
On n’a pas suffisamment identifié l’importance et les conséquences de ce que moi, votre peau, je reçois ou subis, en particulier depuis que je suis un bébé jusqu’à l’adolescence. Tout cela est enregistré dans ma mémoire dans une zone du cerveau que je ne connais pas bien, probablement l’hippocampe. J’ai l’impression que cette mémoire est un puits sans fond. Elle peut accumuler, sans cesse, des sensations bonnes ou mauvaises. Malheureusement je ne sais pas effacer.
On peut parler de mémoire sensitive, sensorielle, sensuelle et même sexuelle. Un rien active les souvenirs bons ou mauvais. Ces derniers peuvent perturber la vie entière. C’est ce que vous pouvez observer chez celles et ceux qui se lavent les mains 100 fois par jour ou passent des heures sous la douche. Je n’en suis pas responsable, mais c’est moi votre peau qui ai mémorisé une blessure que je ne sais pas bien gérer toute seule . J’ai remarqué aussi que les blessures intimes de l’enfance provoquent des réactions de ma peau comme des rejets de douceurs. Il faut donc plus de temps pour m’apprivoiser quand j’ai été blessée.
Voilà pourquoi je vous laisse sur ces mots, sachez-le, je suis au service de votre bonheur, j’ai toujours besoin de douceurs…
Maintenant que vous connaissez mieux votre peau, je vous fais confiance pour la protéger. Vous serez en meilleure santé, celle de tout votre Être.
Je vous souhaite à vous-même et à toute votre famille la plus grande douceur pour les fêtes de Noël et de fin d’année !
Pr Henri Joyeux
Sources
[1] Au lieu de prescrire des médicaments dangereux comme le Roaccutane, mieux vaut suivre des conseils simples : « Changez d’Alimentation » 7ème Edition Rocher
[2] Marcello Malpighi (1628-1694) a créé la science du microscope comme professeur à Pise, médecin du pape Innocent XII. Face à l’hostilité de la communauté scientifique, il s’exile à Messine et en 1662 décrit les structures cellulaires du cerveau, des globules du sang, de la peau et de nombreux organes.
[3] La cellule mélanique ou mélanocyte est la cellule pigmentaire de la peau car elle produit des pigments ou une protéine nommée mélanine responsable de la couleur de la peau, des cheveux et des poils. Il joue un rôle essentiel dans la photoprotection, à un moindre degré dans la thermorégulation (plus la peau est foncée plus la personne est sensible au froid) et dans la synthèse de la vitamine D qui est plus faible chez les peaux foncées.
[4] Le Hollandais Van Leeuwenhoek est l’inventeur de la microscopie.
[5] Filippo Pacini (1812-1883) Professeur d’anatomie à Florence
[6] Wilhelm Johann Friedrich Krause (1833-1910) Professeur d’anatomie de nombreuses universités allemandes
[7] Georg Meissner (1829 – 1905) – Anatomiste allemand
[8] Louis Braille (1809-1852) invente l’écriture tactile à points saillants, à l’usage des aveugles, « le braille ». Enfant, il travaille chez son père bourrelier. À 3 ans, en faisant des trous dans un morceau de cuir avec une alêne, il se blesse à l’œil droit. On le bande mais en grattant son œil, il infecte même l’œil opposé et perd définitivement la vue.
[9] Dogiel (1893)
[10] Camillo Golgi ( 1843-1926) co-lauréat avec Santiago Ramon Y Cajal du prix Nobel de physiologie et médecine en 1906 « en reconnaissance de leurs travaux sur la structure du système nerveux ».
[11] Angelo Ruffini (1864-1929) Professeur à l’université de Sienne.
[12] Les nutriments proviennent de la dégradation des aliments par le phénomène de la digestion.
[13] Elle est présente dans les végétaux tels qu’amandes, avocats, bananes, les graines de courge ou de sésame.
[14] Le métier de tatoueur n’existe pas bien qu’une charte d’hygiène ait été rédigée en 2003, écrite par le Syndicat national des artistes tatoueurs et des médecins de l’hôpital Rothschild à Paris. Elle établit les règles d’hygiène et de stérilisation du matériel qui sont rarement suivies, imposant des gants stériles de chirurgien, des aiguilles à usage unique et des colorants dont on ne connaît que rarement la composition.
[15] Inventée par Harold Cummins (1894-1976) Professeur d’Anatomie, Tulane University, New Orleans, USA
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