Lettre N°54 du Pr Henri Joyeux – Le 18 mars 2015
Moi, votre foie, vous m’agressez de plusieurs façons qui parfois s’additionnent chez une même personne.
À l’âge adulte, certains d’entre vous ne me ménagent pas.
Trop de sucres, d’alcool, de fer, à quoi s’ajoutent des troubles de l’immunité.
1. Trop de sucres : vers la stéatose
Les excès de sucres dont vous vous régalez sans en mesurer les effets négatifs, je les transforme en gras. Je deviens « foie gras », les scientifiques parlent de « stéatose hépatique ».
Pourtant je ne vis pas dans un corps d’oie !
Cette pathologie est régulièrement observée chez ceux qui peuvent afficher un simple surpoids, et a fortiori chez les personnes obèses.
Sachez qu’il est désormais démontré que l’obésité peut réduire l’espérance de vie de 8 ans et vous ôter jusqu’à 19 années de bonne santé, cela du fait du diabète de type 2 et des maladies cardiovasculaires [1].
N’oubliez pas que les boissons très sucrées chez les très jeunes – canettes de soda, coca et autres toniques –, consommées régulièrement, sont le premier pas vers les canettes de bière et les cocktails alcoolisés dont on ne peut plus se passer au cours des fêtes, et qui peuvent être très toxiques sur le moment ou à la longue.
Enfin, les travaux les plus récents ont démontré́ une relation directe entre la progression de la fibrose en moi, votre foie, et l’existence d’un diabète, d’un surpoids ou d’une stéatose.
Les excès de sucres ne sont pas éliminés par les urines, la respiration, la sueur ou les matières. Ils sont conservés, stockés comme mauvaises réserves en notre corps. Un gramme de sucre apporte 4 calories et donc 2 grammes, 8 calories. Dès que vous arrivez à 9 calories vous formez un gramme de graisse qui se stocke dans mes cellules. Quand moi, le foie, je suis gavé de gras, ce qui vous crée des fatigues importantes, le gras va se stocker au delà, dans les seins chez les femmes, autour des hanches et dans le bassin chez les hommes. Plus moi le foie je suis gras, plus la fatigue générale vous crée des besoins en sucres ou en alcool. Vous entrez dans le cercle vicieux, de la dépendance aux sucres et assez souvent des alcools forts surtout chez l’homme. Surpoids, obésité et diabète sont les conséquences directes. Vous allez payer la facture très cher !
2. Trop d’alcool consommé sans modération et de façon chronique : en chemin vers la cirrhose puis le cancer
L’alcool consommé est rapidement absorbé au niveau de l’estomac et passe dans le sang, ce d’autant plus vite que des aliments à mastiquer n’ont pas été pris préalablement. Boire un alcool à jeun, surtout s’il est fort, est une erreur alimentaire de base.
Logiquement, on ne devrait consommer le vin qu’au milieu ou à la fin du repas.
Le taux d’alcool dans le sang, l’alcoolémie, s’exprime en grammes par litre de sang.
C’est moi, votre foie, qui le prend en charge. J’en élimine 90 %. Les 10 % restant sont pris en charge par mes amis les poumons avec l’haleine, et par les reins via les urines.
Je peux éliminer au maximum jusqu’à 2,4 g par jour en moyenne.
Au delà je m’associe aux sucres pour les stocker en gras.
Au-dessus de 3 g, je suis débordé, vous entrez dans le coma. À 5 g c’est la mort assurée.
Sachez que je ne peux éliminer que 0,15 g d’alcool à l’heure. Un seul verre de vin fait monter l’alcoolémie de 0,15 à 0,20 g/l, bien que cela dépende du gabarit et du sexe.
Chez la femme, l’impact du verre de vin est double par rapport à l’homme.
N’oubliez pas qu’entre 0,16 g/l et 0,50 g/l (de 1 à 3 unités d’alcool), les automatismes sont diminués et les gestes mal coordonnés. Vous perdez progressivement votre vigilance.
Prendre des habitudes alcooliques parce que vous n’en savez pas la portée, ou parce que vous êtes angoissé, c’est passer de l’euphorie à la déprime et à la dépendance, plus tard aux troubles psychiques par destruction des neurones.
Les alcools sont en cause dans bien d’autres maladies touchant la zone ORL, avec le palais de saveurs, le pharynx, le larynx, l’estomac et le pancréas… Ils sont aussi impliqués indirectement dans les cancers du sein et de la prostate par l’association alcool-tabac très toxique pour toutes ces zones du corps qui se conjuguent avec de mauvaises habitudes alimentaires. L’évolution cancéreuse sur telle ou telle zone du corps est alors fréquente.
À cela il faut ajouter l’hypertension artérielle qui fait le bonheur des fabricants d’hypotenseurs, les accidents vasculaires cérébraux, les atteintes cardiaques…
L’évolution vers l’insuffisance hépatique, avec la cirrhose irréversible, se produit vers 40 ans pour les hommes ; elle est plus précoce chez les femmes – vers 30 ans – du fait d’une capacité moindre à métaboliser l’alcool.
Quand moi, votre foie, je reçois trop d’alcool, mes fonctions normales peuvent s’interrompre. Vous m’obligez à détoxiquer l’alcool de mes cellules. Ainsi, des cellules meurent et se gavent de dépôts de graisses, s’ajoutant aux sucres qui ne manquent pas à vos addictions. Vous oubliez que le pain blanc se comporte comme du sucre, que tous les produits laitiers contiennent du lactose dont le pouvoir sucrant est de 0,16 quand celui du sucre raffiné est de 1.
N’oubliez pas que l’alcool est connu pour être un inhibiteur de la resynthèse du glycogène (stockage des sucres dans le foie) après un effort important. L’alcoolisation après une compétition sportive, alors que les réserves en sucres sont épuisées, est un contresens de santé que vous pouvez payer très cher.
J’oubliais de vous dire que l’alcool et les médicaments ne font pas bon ménage, en particulier ceux que les médecins prescrivent beaucoup trop facilement : les antidépresseurs, anxiolytiques, les somnifères, anti-inflammatoires, antibiotiques…
Quand vous m’inondez d’alcool, pour commencer je m’engraisse. Je fais d’abord de la stéatose puis, par l’inflammation, une hépatite dite alcoolique, à quoi succède assez vite une forme de réaction cicatrisante définitive : c’est la cirrhose [2] avec ses complications classiques, les hémorragies digestives, l’ascite avec le gros ventre plein d’eau et les troubles cérébraux que l’on résume à l’encéphalopathie. Et plus tard le cancer que l’on retrouve au bout de toutes les agressions chroniques que je subis.
Quand je deviens cirrhotique, je suis désolé de vous l’annoncer, ma maladie est alors irréversible
C’est surtout l’alcool dont vous m’inondez qui en est la cause. Se forme en moi de la fibrose qui ressemble à des travées épaisses qui me détruisent. J’essaye de survivre en construisant des nodules, mais je ne parviens plus à régénérer comme quand je suis à la fois bien nourri et respecté.
Je sais bien que vous n’êtes pas totalement responsable de ma cirrhose. On ne vous pas appris grand-chose à l’école sur mon compte. Vos parents ne vous ont pas expliqué mon importance dans votre corps…
Maintenant vous le savez. Vous devez pouvoir expliquer clairement combien j’ai besoin d’être connu, reconnu, respecté. C’est votre santé et celle de tous les membres de vote famille qui est en jeu.
En plus, rendez-vous compte que je peux dégénérer, c’est-à-dire évoluer vers le cancer dans les 15 à 20 ans qui suivent.
Les causes des cirrhoses sont donc :
- La consommation excessive et prolongée d’alcool dans 50 à 75 % des cas.
- Les atteintes virales, nous le verrons, l’hépatite C dans 15 à 25 % des cas et l’hépatite B dans 5 %.
- Plus rarement, l’hémochromatose par trop de fer, des maladies métaboliques qui accumulent des graisses, des atteintes par destruction progressive du système immunitaire.
3. Trop de fer : vers l’hémochromatose
L’hémochromatose a fait l’objet d’une lettre spécifiqueque vous pouvez lire ici.
Ne passez pas à coté de la 1re maladie génétique qui touche 1 sujet sur 200 !
Si vous-même ou un membre de votre famille êtes concerné, je vous conseille de contacter sans tarder L’Association Hémochromatose France[3].
4. Quand le système immunitaire se déglingue : les maladies auto-immunes
C’est le système immunitaire qui marche à l’envers très progressivement.
Au lieu de me protéger, il m’attaque soit directement au niveau de mes cellules, soit en endommageant mes voies biliaires.
Trois maladies sont bien identifiées : la cirrhose biliaire primitive (CBP), la cholangite sclérosante primitive (CSP), l’hépatite auto-immune ou hépatite chronique active.
Passons en revue leurs caractéristiques essentielles.
La cirrhose biliaire primitive (CBP)
Elle atteint les femmes entre 40 et 60 ans plus souvent que les hommes. Les mauvaises habitudes alimentaires d’une famille font qu’on peut voir apparaître la même maladie parmi ses membres.
L’alcool n’est pas en cause mais le mieux est de ne pas en consommer, ou seulement à toutes petites doses pour ne pas risquer d’aggraver la situation.
Les voies biliaires ont des difficultés à éliminer la bile parce que les systèmes de défense en moi, votre foie, fonctionnent mal. J’évolue vers la cirrhose.
Les signes classiques au début sont peu perceptibles : une fatigue chronique, des démangeaisons plus ou moins fortes, une peau plus foncée, des petites bosses blanches sous la peau, parfois autour des yeux…
À un stade plus avancé, on peut observer une sécheresse des muqueuses, de la bouche, du nez, du vagin…, une atteinte de la thyroïde, des troubles articulaires, une mauvaise circulation sanguine des extrémités des doigts, ce qu’on appelle le syndrome de Raynaud.
Mon insuffisance peut devenir totale, car je deviens incapable de fabriquer les facteurs de la coagulation – j’ai des hématomes au moindre petit coup sur mon corps –, je ne peux plus éliminer la bile d’où une jaunisse progressive qui m’épuise, mes os deviennent transparents avec l’ostéoporose qui atteint tout votre squelette.
L’évolution sera d’autant plus lente que vous changerez vos habitudes alimentaires en consommant plus de produits végétaux qu’animaux.
Vous avez intérêt à supprimer évidemment vins et alcools forts, tabac et/ou haschich évidemment, tous les produits laitiers qui apportent trop de protéines, de sucres (lactose) et de gras que je ne peux pas gérer correctement avec mes cellules fatiguées, épuisées.
Vous devez boire beaucoup d’eau sous quelque forme que ce soit (2,5 litres par jour) pour tenter de diluer la bile afin qu’elle s’évacue mieux par des canaux biliaires rétrécis, et veiller à avoir des urines claires…
Eviter tous les médicaments inutiles qui aggravent ma surcharge.
Restez au plus près de la nature et évitez la chimie.
Je conseille fortement aux médecins de faire réaliser à leur patient le plus simple, le meilleur et le moins coûteux bilan bionutritionnel, celui de Nutergia.fr qui donne d’excellentes indications pour éventuellement prescrire des compléments naturels qui peuvent protéger le foie, tel le Desmodium; et le drainage avec des plantes telles qu’Artichaut, Chardon Marie, ou Romarin (Ergydraine et Ergy-épur).
Si vraiment vous n’êtes pas amélioré, alors mieux vaut me remplacer par la transplantation.
La cholangite sclérosante primitive (CSP)
Comme son nom l’indique, il s’agit d’une atteinte des voies biliaires qui se sclérosent, on peut dire vieillissent prématurément en diminuant de calibre. C’est l’inflammation qui en est responsable. La bile s’accumule dans mes cellules, passe en partie dans le sang, d’où la jaunisse.
Elle atteint davantage les hommes que les femmes, est souvent associée à une atteinte inflammatoire du côlon sous la forme d’une colite ulcéreuse.
Il s’agit donc très certainement d’une maladie en partie liée à de fort mauvaises habitudes alimentaires.
Les signes cliniques sont les mêmes que ceux de la CBP à quoi s’ajoute, en plus, la fièvre avec frissons due à l’infestation de la voie biliaire par un ou plusieurs germes du tube digestif qu’il faudra évidemment éradiquer avec des antibiotiques adaptés.
Les conseils nutritionnels donnés dans la maladie précédente (CBP) sont donc les mêmes pour la CSP.
À un stade irréversible, la seule solution est le changement de foie par transplantation.
L’hépatite auto-immune ou hépatite chronique active
C’est l’inflammation chronique du foie. Le système immunitaire de moi, votre foie, m’attaque plus ou moins lentement au lieu de me protéger.
Certains globules blancs, normalement destinés à combattre les infections, attaquent mes cellules hépatocytes, les considérant comme des substances étrangères comme s’il s’agissait de microbes.
Les virus des hépatites pourraient être en cause, comme certains médicaments que je n’aime pas ou trop de métaux lourds, cuivre, fer…
La maladie n’est pas contagieuse, mais on peut observer dans la famille différents autres cas de maladies auto-immunes touchant la thyroïde, les articulations, le système oculaire sous forme d’uvéite qui se traduit d’abord par un œil rouge.
Les conseils nutritionnels donnés plus haut, associés à une bonne et saine activité physique, seront utiles et peuvent retarder la maladie.
La révélation du début de la maladie est assez souvent l’augmentation dans le sang du taux des enzymes hépatiques avant les signes cliniques classiques.
Au maximum de la maladie, la seule solution est de me remplacer par transplantation.
Il est évident que l’hygiène, la consommation d’eaux non polluées, les comportements de santé dans la vie quotidienne sont à la base de la prévention des maladies qui peuvent m’atteindre, moi, votre foie.
Nous le verrons encore avec les hépatites, que je traiterai à part, dans une prochaine lettre. Et il restera les atteintes tumorales bénignes ou malignes, donc cancéreuses.
À bientôt, chers amis de la Prévention Santé. Ne gardez pas pour vous toutes ces informations. Faites les circuler dans vos familles, auprès de tous vos amis.
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A la semaine prochaine,
Pr Henri Joyeux
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