Développement émotionnel et social de l’enfant : Le rôle crucial du microbiote intestinal

Chers amis de la santé,

Ici Lucie, je reprends la plume sur un sujet qui concerne spécifiquement les jeunes enfants. Pendant les webinaires Famille Santé Prévention, nous soulignons souvent le rôle du microbiote pour l’immunité. Or, de plus en plus de thèses récentes soulignent aussi son rôle dans notre fonctionnement psychologique, avec ce fameux axe intestin-cerveau.

Sur ce sujet, j’ai consulté une thèse récente (1) qui explique que les antibiotiques perturbent grandement le microbiote, et que l’exposition aux antibiotiques juste avant ou après la naissance peut avoir des effets néfastes sur la santé, mais aussi sur le comportement – développement social et émotionnel – des enfants.

On apprend notamment qu’il est maintenant acquis que la qualité du microbiote influe sur le développement cognitif (2). Des études sont en cours sur l’autisme, avec la transplantation de microbiote d’enfant neurotypiques sur des enfants autistes – et cela a amélioré significativement leurs comportements sociaux et émotionnels (3).

1. Le mode de naissance influe sur le microbiote

Comme le Professeur Joyeux et Jean Joyeux nous l’avaient appris, le mode de naissance influe déjà sur la qualité du microbiote. Les bébés nés par voie vaginale ont une composition microbienne plus diverse, principalement colonisée par des bactéries vaginales de la maman et périnéales/fécales telles que Lactobacillus, Prevotella, Bacteroides, et Bifidobacteria.

En revanche, les bébés nés par césarienne présentent une population plus importante de bactéries potentiellement pathogènes (e.g., Staphylococcus, Streptococcus, Corynebacteria, Propionibacteria, Klebsiella, Clostridium).

Cela affaiblit leur immunité, et pourrait même avoir des conséquences sur l’apparition et le développement de maladies inflammatoires et/ou auto-immunes plus tard dans la vie. Cela affecte également le développement des réseaux neuronaux dans les zones du cerveau régulant le comportement social, l’anxiété et la cognition.

Les solutions proposées à l’heure actuelle pour les bébés nés par césarienne est l’ensemencement vaginal par badigeon, ou la transplantation fécale maternelle (rare en France).

2. Les antibiotiques et les nouveaux-nés

Concernant l’effet spécifique des antibiotiques, les nouveaux-nés dont les mères ont été traitées aux antibiotiques dans les trois semaines avant la naissance ou qui reçoivent des antibiotiques dans l’année après leur naissance pourraient montrer :

  • un comportement anxieux plus marqué. Il est d’ailleurs intéressant de se dire qu’il y a 2000 ans déjà, les médecins chinois traditionnels savaient déjà que l’anxiété et les humeurs négatives affectaient l’estomac et la rate. Aujourd’hui, plusieurs études (4) réalisées à partir de modèles murins prouvent que la qualité du microbiote influe directement sur le stress et l’anxiété.
  • Une motivation à l’intéraction sociale réduite dont on voit les effets jusqu’à l’adolescence, avec des effets sur deux neuropeptides : l’ocytocine et la vasopressine (5). Or, l’ocytocine est souvent appelée « hormone de l’amour » ou « hormone du lien social » parce qu’elle est essentielle dans la formation des liens affectifs entre les individus. L’ocytocine a des effets anxiolytiques, ce qui signifie qu’elle peut réduire l’anxiété et favoriser un sentiment de sécurité et de bien-être lors des interactions sociales. Les niveaux d’ocytocine sont associés à une meilleure lecture des expressions faciales et des intentions des autres. Et la vasopressine est impliquée dans les comportements sociaux comme la défense du territoire, l’agression et la protection des partenaires et des progénitures, la mémoire sociale (la capacité à reconnaître et à se souvenir des autres individus) et la régulation de la réponse au stress.
  • On voit aussi, dans le test réalisé chez les rongeurs, une altération de la communication ultrasonique, des vocalisations sont cruciales pour la communication entre les petits et leur mère.

3. Rôle de probiotiques

Heureusement, des interventions émergent pour contrer ces effets indésirables, notamment l’utilisation de probiotiques. Les probiotiques, en particulier des souches spécifiques de Lactobacillus et de Bifidobacterium, se montrent prometteurs pour améliorer la santé du microbiote intestinal et, par conséquent, le développement neurocomportemental.

Des études ont montré que les probiotiques administrés pendant la période périnatale peuvent améliorer la composition du microbiote intestinal des nourrissons et favoriser un développement neurocomportemental sain. Par exemple, Lactobacillus reuteri a été identifié comme une souche potentielle pour traiter les déficits de sociabilité associés à des modèles de troubles du spectre autistique (TSA) (6). Cette souche aide à rétablir les capacités sociales et les comportements de reconnaissance sociale​​.

De plus, l’administration de Lactobacillus rhamnosus JB-1 pendant ou après une exposition aux antibiotiques a montré qu’elle pouvait corriger les comportements anxieux et les déficits sociaux causés par ces médicaments (7). Cette souche aide également à restaurer la composition du microbiote intestinal, l’intégrité de la barrière hémato-encéphalique, et à réduire l’inflammation neurocérébrale​.

Notons qu’aujourd’hui, les conclusions sont le plus souvent tirées à partir d’expériences animales sur des petits mammifères, comme les rats. Voilà pour mes découvertes du jour !

Si le sujet de l’alimentation des enfants vous intéresse, nous avions fait un webinaire sur l’équilibre alimentaire des enfants, toujours disponible, ici ; https://www.famillessanteprevention.org/lequilibre-alimentaire-des-enfants/. Idem pour le microbiote : https://www.famillessanteprevention.org/webinaire/microbiote-le-comprendre-le-proteger-et-le-nourrir/.

Avec toute mon affection,

Lucie

  1. Cassandre Morel. Décryptage du rôle du microbiote intestinal dans le développement et la fonction des neurones neuropeptidergiques : Implications pour les troubles du neurodéveloppement. Neurobiology. Normandie Université, 2023.
  2. Carlson, A. L. et al. Infant Gut Microbiome Associated With Cognitive Development. Biol. Psychiatry 83, 148–159 (2018).
  3. Kang, D.-W. et al. Microbiota Transfer Therapy alters gut ecosystem and improves gastrointestinal and autism symptoms: an open-label study. Microbiome 5, 10 (2017).
  4. Sudo, N. et al. Postnatal microbial colonization programs the hypothalamic-pituitary-adrenal system for stress response in mice: Commensal microbiota and stress response. J. Physiol. 558, 263–275 (2004).
  5. Desbonnet, L. et al. Gut microbiota depletion from early adolescence in mice: Implications for brain and behaviour. Brain. Behav. Immun. 48, 165–173 (2015).
  6. Sgritta, M. et al. Mechanisms Underlying Microbial-Mediated Changes in Social Behavior in Mouse Models of Autism Spectrum Disorder. Neuron 101, 246-259.e6 (2019).
  7. Bravo, J. A. et al. Ingestion of Lactobacillusstrain regulates emotional behavior and central GABA receptor expression in a mouse via the vagus nerve. Proc. Natl. Acad. Sci. 108, 16050–16055 (2011).